Parmi les articles intéressants sur l’Union européenne, deux méritent notre attention parce qu’ils apportent des lueurs d’espoir. Le premier vient de Luuk van Middelaar, appelé ‘No more Mr. No’, qui signale comment le nouveau gouvernement néerlandais compte bouleverser sa politique européenne. L’autre, de Karel Lannoo, CEO du CEPS, fait écho d’une coopération interne améliorée au sein des institutions européennes.
Le contexte politique en Europe reste incertain pour plusieurs raisons : le départ d’Angela Merkel et la venue de Olaf Scholz, les élections présidentielles en France, la présidence française pendant le premier semestre 2022, Mario Draghi président ou premier ministre? le gouvernement néerlandais et sa nouvelle orientation européenne, l’attitude des pays membres du groupe de Visegrad, les menaces à la frontière de l’Ukraine, les élections en Hongrie, le chantage sur les livraisons de gaz de Putin, les visées dominatrices de la Chine et l’attitude des Américains vis-à-vis de l’Europe.
La question qui vient à l’esprit est celle de savoir si ce remue-ménage aboutira à la reprise d’un échange d’idées entre les responsables politiques sur les besoins à court et à plus long terme de l’Europe ? Y aura-t-il un concours de circonstances favorable en 2022 ? Qui prendra l’initiative ? Qui maintiendra avec autorité le focus, sachant qu’un remaniement institutionnel de l’Europe nécessiterait une négociation de plusieurs années au sein d’une Convention constitutionnelle européenne.
Peu s’aventurent à formuler une vision ambitieuse sur l’avenir de l’Europe. C’est dommage. Toutefois, sans vision, même la plus brillante analyse de la situation en Europe ne résoudra rien. Vu l’ampleur des défis qui guettent l’Europe il n’y a qu’une réponse : appeler les défis par leur nom et formuler les objectifs et les remèdes nécessaires.
L’Union des Fédéralistes Européens (UEF-Belgique) présente le fédéralisme européen comme un outil de gestion publique efficace qui peut répondre aux exigences de l’aspect institutionnel de l’Europe. Mais il n’y pas que les institutions. Le soutien politique de l’idée européenne est certes aussi important. Il décide si ce projet pourra être réalisé dans les délais nécessaires. L’opinion publique devra être préparée à jouer le rôle démocratique qui est le sien.
Le projet d’avenir pour l’Europe débute par la formulation de la finalité de cette Europe. Etant sous-entendu que cet objectif peut évoluer avec le temps. Après, les objectifs à court et à long terme doivent être pris en charge. L’élaboration des politiques spécifiques ne vient qu’à la fin du parcours.
Tout projet d’avenir doit être ambitieux sinon il manquera le rendez-vous avec l’histoire. Ambition n’est pas l’équivalent d’utopie ou d’un manque de réalisme. Par l’ambition, les protagonistes veulent réaliser ce qui est nécessaire.
Faisons l’essai d’une formulation d’objectifs sommaires pour l’Europe. Le risque d’être incomplet ou mal compris est omniprésent. Même sous forme de projet, il indique l’orientation générale de la réforme à accomplir. Donner l’exemple peut inspirer d’autres personnes à en faire autant. La démocratie permet à chacun de propager ses idées. Saisissons cette liberté à deux mains.
L’Union des Fédéralistes Européens-Belgique juge la formule suivante intéressante : ‘L’Union politique européenne repose sur des valeurs démocratiques, une souveraineté partagée, la séparation des pouvoirs, la compétence d’agir au nom du bien commun européen, une autonomie stratégique et une citoyenneté solidaire. L’Union politique européenne protège de la sorte son indépendance, sa prospérité, son bien-être et son mode de vie. L’Union politique européenne avancera pas à pas et de façon prévisible’.
En bref, une Europe postnationale et fédérale.
Cette définition sommaire et probablement incomplète est de loin plus ambitieuse que celle de l’intergouvernementalisme appliqué en ce moment. Il y a l’élément démocratique et de légitimation, la participation accrue du citoyen, une structure institutionnelle cohérente et capable d’agir de façon autonome. Chaque aspect contribue à faire face aux défis de l’Union européenne.
Personne ne peut se soustraire à sa responsabilité vis-à-vis de son avenir. Cet avenir implique la définition de l’ensemble des caractéristiques sociétales et politiques, savoir par quels moyens institutionnels ce projet pourra se concrétiser et se rendre compte que la transition vers le but final s’accompagnera d’un effort considérable de la part de ses protagonistes.
La vie ne peut être l’expression d’un consumérisme à outrance ou de gaspillage ou d’un vide mental. La pérennité de la société européenne demande davantage à ceux qui sont capables de formuler des projets d’avenir de l’Europe. Les faire dialoguer en public l’est autant.
Le bien commun européen devient de plus en plus évident. Une prise de conscience s’impose à ce sujet. Les projets d’avenir pour l’Europe doivent se multiplier et se concurrencer afin de gagner la préférence du citoyen européen. Un débat public sur les lignes directrices de cette Europe doit avoir lieu.
Au cas où les forces démocratiques et nos leaders politiques négligeraient l’idée européenne, les extrémistes en feront un projet autoritaire à l’opposé d’un projet humaniste, équitable et bénéfique pour tous.
Espoir et confiance dans un projet ambitieux et partagé est le meilleur signal positif que les citoyens européens puissent recevoir.
Robert Verschooten, Christian Gossiaux, Eric Verhoestraete