Au cours des trois premiers mois de la Présidence belge du Conseil de l’Union européenne, une soixantaine de dossiers ont été finalisés. Et il y en aura d’autres d’ici la fin juin. Mais l’aspect le plus important de la présidence belge sera la formulation d’un agenda stratégique pour la période 2025-2029, soit la durée de la prochaine législature européenne issue des élections du Parlement européen du 9 juin.
En théorie, la formulation de cet agenda relève de la responsabilité du Premier ministre belge Alexander De Croo. La France et l’Allemagne voudront évidemment influencer cet agenda mais elles n’ont pas encore donné l’impulsion nécessaire sur la manière de rendre l’Union européenne efficace, décisive et plus légitime.
Deux scénarios sont possibles : l’intergouvernemental et le fédéral. Le premier est privilégié par la majorité des États membres de l’UE car ceux-ci gardent le contrôle au sein du Conseil européen. Mais l’unanimité prime et il est très peu probable d’envisager une réforme institutionnelle de l’UE.
L’avenir de l’Union européenne est soumis à de fortes pressions notamment en matière industrielle, de souveraineté et de défense. La Russie, via la guerre en Ukraine, et la Chine, à travers les Brics, multiplient les tentatives pour modifier à leur avantage les relations géopolitiques établies après la Seconde Guerre mondiale.
L’Union européenne n’a pas d’autre choix que de renforcer son fonctionnement à l’intérieur et à l’extérieur. Cela ne peut se faire que par la création d’un État européen. Le contexte international actuel exige un pouvoir exécutif fort, des prises de décision à l’échelle des enjeux et une préparation militaire considérablement accrue. L’apparence d’une bonne gouvernance européenne est maintenue par les chefs d’Etat et de gouvernement. Pendant ce temps, l’UE est au pied du mur. Elle risque sinon un assujettissement, en tout cas un risque de marginalisation sur la scène mondiale où elle ne deviendrait plus que l’appendice de l’Asie.
Les Fédéralistes européens proposent un scénario d’avenir. Il s’agirait de transformer l’UE en un État européen légitimé et démocratique, capable de décider en toute indépendance. Cela permettrait d’atteindre deux objectifs : capacité de décision et efficacité des mesures.
Dans cette formule politique, l’intérêt général européen est doté d’un contenu adapté qui lui permet d’agir et de se faire entendre sur le plan géopolitique. Cette nouvelle entité étatique renforcerait la conscience collective d’un destin commun et d’une identité européenne partagée. Cette Europe fédérale maintiendrait cependant le caractère spécifique de chaque Etat membre, ses histoires glorieuses et ses langues.
La formulation d’une constitution fédérale pour l’UE devrait être entamée aussitôt que possible. Nous souhaitons à cet égard que le Parlement européen actuel s’auto-proclame constituant pour la prochaine législature. Élu au suffrage universel, le Parlement est l’organe démocratique par excellence.
La transition vers un État fédéral européen n’est pas un processus automatique, bien au contraire. Il s’agit d’une démarche délibérée dont la légitimité ne peut être contestée ultérieurement.
Cette alternative fédéraliste fait preuve de réalisme à la lueur de l’histoire des grandes constitutions.
Que peut faire un État fédéral européen que le système intergouvernemental actuel ne permet pas ? Tout simplement créer un ordre juridique démocratique dans lequel les relations entre les pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire s’alignent harmonieusement de sorte que les forces centrifuges et centripètes s’équilibrent mutuellement.
Le système intergouvernemental attribue la capacité de changer les relations institutionnelles européennes exclusivement au Conseil européen. Alors que seul le système fédéral est capable de relever avec vigueur les défis actuels et ne repousse pas les problèmes urgents.
Les hommes politiques de premier plan exhortent les citoyens à participer aux élections européennes de juin 2024. La démocratie en a besoin. Bel et bien, mais les partis politiques ne présentent pas de vrais programmes européens. Comment maintenir cette contradiction ? Pourquoi donner un mandat pour une législature entière et ne pas savoir sur base de quel programme ?
Pourquoi les gens ne choisiraient-ils pas lors des élections européennes les candidats mandataires politiques qui défendent la formulation d’une constitution européenne et soutiennent la création d’un État européen ? Ce serait, sans aucun doute, un acte visionnaire pour l’avenir de l’Europe.
Robert Verschooten et Domenico Rossetti di Valdalbero, respectivement Conseiller politique et Secrétaire général de l’Union des Fédéralistes Européens (https://uef-belgium.be/)
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