
* Domenico Rossetti Di Valdalbero
SecrĂ©taire gĂ©nĂ©ral de LâUnion des fĂ©dĂ©ralistes europĂ©ens
Le temps nâest plus Ă la coopĂ©ration internationale, mais aux rapports de force entre puissances. Il sâagit dĂ©sormais de garantir notre survie face Ă la soif dâexpansion de la Chine, de la Russie et des Ătats-Unis.
Un nouvel empire inattendu se profile Ă lâouest de lâEurope.
Donald Trump a confirmĂ© son ambition dâĂȘtre un « prĂ©sident impĂ©rial ». Il a notamment indiquĂ© quâil ne refuserait pas dâutiliser la force pour annexer le canal du Panama ou le
Groenland et a rĂ©itĂ©rĂ© son dĂ©sir dâintĂ©grer le Canada aux Ătats-Unis. Plus symboliquement, il a proposĂ© de renommer le « Golfe du Mexique » en « Golfe dâAmĂ©rique.» Ceci constitue un tournant.
Loin dâĂȘtre isolationnistes, les Ătats-Unis de Trump amorcent un dangereux tournant Ă vocation impĂ©rialiste.
ParallĂšlement, Elon Musk, depuis quelques mois son alliĂ©, multiplie les prises de position politiques offusquĂątes dans les affaires internes des dĂ©mocraties europĂ©ennes. Avec les algorithmes de son rĂ©seau social, il nous enferme vicieusement dans nos certitudes. Il apporte officiellement son soutien Ă Reform UK au Royaume-Uni, lâhĂ©ritier du parti pro-Brexit de Nigel Farage, quâil souhaite financer Ă hauteur de 100 millions de dollars. Il fait de mĂȘme avec Alternative fuÌr Deutschland (AfD) en Allemagne, en participant Ă un « dĂ©bat » avec sa dirigeante sur son rĂ©seau social afin de lui offrir une exposition mĂ©diatique mondiale, alors que les mĂ©dias allemands maintiennent le cordon sanitaire. Rappelons que ces partis sont ouvertement anti UE, quâils sont sympathisants de Poutine et que lâAfD possĂšde une proximitĂ© inquiĂ©tante avec le passĂ© et lâidĂ©ologie nazis.
Durant sa confĂ©rence du 6 janvier, Trump a confirmĂ© sa complaisance envers le rĂ©gime de Vladimir Poutine. Ils adhĂšrent tous les deux Ă la politique de zones dâinfluence, voire dâespace vital, avec le Groenland pour le premier et lâUkraine pour le second. Ceci renforce lâidĂ©e terrifiante que lâEurope est dĂ©sormais prise dans un Ă©tau. En effet, lâEurope subit, depuis des annĂ©es des tentatives de dĂ©stabilisation Ă©trangĂšres tant internes quâexternes orchestrĂ©es par la Chine et la Russie. Ă cela sâajoute dĂ©sormais une nouvelle menace provenant dâun Ătat historiquement alliĂ©, qui sâinscrit dans un contexte dĂ©jĂ marquĂ© par des ingĂ©rences russes rĂ©pĂ©tĂ©es, telles que celles dans les Ă©lections roumaines et les sabotages de cĂąbles de communication en mer Baltique fragilisant nos intĂ©rĂȘts.
LâEurope est dĂ©sormais cernĂ©e par des empires renaissants dĂ©pourvus de toute considĂ©ration pour les EuropĂ©ens, dirigĂ©s par des hommes autoritaires animĂ©s par une soif insatiable de puissance et dâexpansion.
Dans ce contexte, nous avons besoin dâun sursaut, un vĂ©ritable saut en avant dans lâintĂ©gration europĂ©enne comme plaidĂ© dans les rapports dâEnrico Letta, Mario Draghi et Sauli Niinistö, une action offensive. Il est dĂ©sormais plus urgent que jamais de fĂ©dĂ©rer lâEurope et tous les pays europĂ©ens qui le souhaitent dans une fĂ©dĂ©ration solide capable de garantir la dĂ©mocratie en son sein et de prĂ©server son intĂ©gritĂ© et son indĂ©pendance face Ă cette « internationale impĂ©riale» qui reprĂ©sente prĂšs de 2 milliards dâindividus et un PIB annuel proche de 50.000 milliards dâeuros, soit plus de deux fois et demie le PIB de lâUE.
Une question de survie
Que se passera-t-il demain si Trump passe des paroles aux actes ? Les Ătats de lâUE sont-ils prĂȘts Ă envoyer des troupes dĂ©fendre le Groenland, les pays baltes ? OĂč va-t-on laisser lâEurope ĂȘtre partitionnĂ©e comme trop de fois dans lâhistoire ?
Comme le disait Paul-Henri Spaak dans les annĂ©es cinquante, «il nây a plus que des petits pays en Europe, mais certains ne le savent pas ». Les Ătats europĂ©ens risquent dâĂȘtre laminĂ©s sâils restent dĂ©sunis. En revanche, ensemble, nous sommes capables de dĂ©fendre ce qui nous est le plus cher : la libertĂ©, la solidaritĂ©, la paix, le respect des minoritĂ©s, la coopĂ©ration entre nos citoyens et nos Ătats. Il ne sâagit plus seulement dâamĂ©liorer le fonctionnement de lâUE, de la rendre plus dĂ©mocratique, dâassurer prospĂ©ritĂ© et bien-ĂȘtre Ă notre continent. Il sâagit dĂ©sormais, aussi, de garantir notre survie face Ă des empires dont la marche en avant ne cessera que si nous nous unissons. Si nous ne prenons pas dĂšs aujourdâhui la route de la dĂ©mocratie fĂ©dĂ©rale, dâune vĂ©ritable constitution europĂ©enne vers les Ătats-Unis dâEurope, nous risquons de sombrer collectivement dans une Ă©poque sombre, oĂč ces nouveaux empires joueront de notre division. Une pĂ©riode imprĂ©visible dont lâhistoire nous enseigne quâelle peut finir trĂšs mal. Le processus de fĂ©dĂ©ralisation, dâunion et de construction dâune dĂ©fense europĂ©enne est notre ultime dissuasion contre ces empires. Il prendra nĂ©cessairement du temps. Or, ce temps sera mis Ă profit par nos opposants internes (les partis dâextrĂȘme droite et dâextrĂȘme gauche) et externes, pour avancer leurs pions Ă nos dĂ©pens.
Le principe de rĂ©alitĂ© nous amĂšne Ă penser que le temps nâest malheureusement plus Ă la coopĂ©ration internationale, mais aux rapports de force entre puissances. LâEurope doit prendre acte de cette nouvelle donne gĂ©opolitique. LâEurope doit changer de logiciel. Prise en Ă©tau, lâEurope sera unie, fĂ©dĂ©rale, ou elle ne sera plus.
* Article cosignĂ© par dâautres membres de lâUEF.be:
François Mennerat | Jean Marsia | Philippe van Damme | Marcel Vanden Clooster | Francisco Vigalondo | Michele Ciavarini Azzi | Lucian Alexandru Onisei | Giovanni Merlini